Le rêve Maghrebin, est certainement l'utopie que partagent le mieux les habitants de l'Algérie, de la Tunisie, du Maroc, de la Libye et de la Mauritanie. Utopie parce que cette union régionale que tout tend à dire qu'elle est la plus facile et la plus évidente à faire tarde à devenir concrète. Bien entendu ce qui bloque l'union ce sont les différends entre les gouvernements de ces pays. Le plus complexe des ces différend celui qui oppose l'Algérie au Maroc. En attendant que l'union se fasse rêvons.
20e anniversaire de la signature du traité de l’UMA
Un rêve maghrébin
Le palais royal de Marrakech aura vécu, pour cet anniversaire de la signature du traité de l'Union du Maghreb arabe le 17 février 1989, une journée riche en émotion. Une journée que l'histoire retiendra à coup sûr comme le début d'une ère nouvelle pour les peuples de cette région.
C’est officiel, les chefs des Etats maghrébins ont décidé d’instituer à partir de maintenant l’Union maghrébine (El Ittihad al maghribi), une entité qui remplace l’UMA non seulement par sa dénomination mais aussi par ses structures. Cette nouvelle entité sera l’organisation supra nationale qui fédérera dorénavant les Etats maghrébins et qui agira en leur nom dans nombre de domaines, dont les plus remarquables sont certainement la sécurité et la diplomatie.
Devant une très importante assistance et devant les caméras qui retransmettaient les images de la cérémonie dans une centaine de pays, le discours du président algérien aura ouvert le bal. Ce choix protocolaire a été expliqué dans les couloirs du palais par un fait historique : c’est en effet en Algérie, plus exactement à Zéralda en juin 1988, qu’avait été préparée la réunion de Marrakech qui a abouti au traité fondateur de 1989.
Avec des mots particulièrement pesés qui donnaient toute la solennité à ce moment historique et entrecoupé de longues salves d’applaudissements, le discours annoncera ce que tout le monde suppose depuis des semaines, c’est-à-dire l’abolition des frontières entre les Etats du Maghreb.
«Je remercie les frères d’avoir adhéré à l’idée de refondation de notre Union et d’avoir accepté d’engager cette nouvelle œuvre d’édification de l’avenir de notre région». Le président algérien soulignera que si le reproche a été fait aux dirigeants maghrébins d’avoir pris du retard, «il ne s’agira plus cette fois de nous reprocher d’aller trop vite, l’avenir et le bonheur de notre peuple ne peuvent plus attendre». Ce peuple, c’est bien entendu les Maghrébins qui, dorénavant, circuleront librement entre les pays du Maghreb, mais qui plus est, présenteront un passeport unique dans les pays étrangers.
Le président algérien ne laissera rien en suspens : il évoquera la question du Sahara occidental sans la nommer puisqu’il indiquera aussi que si du retard a été pris, c’est parce que malheureusement la région a aussi fait face au dernier cas de décolonisation dans le monde. «Est-ce que les frères peuvent nous reprocher d’avoir été fidèles aux principes qui ont fondé non seulement l’Algérie moderne mais aussi l’ensemble du Maghreb ?» Il conclura que finalement si des retards ont été enregistrés et des occasions ratées, c’est aussi parce que l’histoire douloureuse du Maghreb est aussi une histoire d’émancipation.
Transcender le conjoncturel
Le roi du Maroc qui succèdera à la tribune abondera dans le même sens que le président algérien, non sans rappeler que l’édification maghrébine est aujourd’hui plus pressante et plus importante que des revendications de souveraineté. «Le Maroc, fier de son histoire, ne peut non plus capitaliser ses réalisations en défaisant les liens fraternels et historiques qui le lient à ses pays frères.» Le souverain chérifien soulignera que «la force de ces liens et leur profondeur historique permettent aujourd’hui de se défaire des revendications nationales pour les fondre dans une œuvre d’édification civilisationnelle qui transcende les revendications souvent conjoncturelles et toujours temporelles».
Le président tunisien remarquera que l’événement suivi dans le monde entier ce jour s’inscrit «dans la continuité de l’œuvre des pères qui s’étaient réunis au lendemain des indépendances de la Tunisie et du Maroc à Tanger en 1958, avec les militants nationalistes algériens encore en guerre contre l’occupant, pour échafauder déjà les utopies qui portaient plus loin les espoirs des peuples, avec le regard transcendant des révolutionnaires, agissant dans le cadre d’une construction historique qui s’éloigne forcément des questions de décolonisation ou d’indépendance».
Le chef de l’Etat libyen pour sa part mettra en évidence la propension des Maghrébins à sous-estimer leurs capacités quand il s’agit de prendre rendez-vous avec l’histoire. Le président mauritanien insistera quant à lui sur la nécessité d’aller de l’avant dans la construction maghrébine en laissant le soin aux historiens de rappeler les errements passés.
Rendre justice aux Sahraouis
L’invité surprise à cette importante cérémonie est sans nul doute le chef de l’Etat de la RASD. Le président de la République Arabe Sahraouie Démocratique, non reconnue jusque-là par le Maroc, indiquera dans son discours qu’il n’apporte que des bonnes nouvelles. «Dorénavant, il n y aura plus de camps de réfugiés. Les Sahraouis des camps vont rejoindre leurs proches et leurs familles dans les villes et villages du Sahara. Il n’y aura plus de revendications territoriales, plus de référendum, plus de lutte, car l’édification maghrébine est certainement la lutte suprême (…) Les années de lutte ont été justifiées par la conjoncture, mais aujourd’hui nous sommes d’accord pour ne pas demeurer en reste de nos frères» ajoutera-t-il. Une double annonce donc conclue par une chaude accolade, inattendue et tout aussi historique que la fondation de la nouvelle union maghrébine, entre le premier responsable de la RASD et le roi du Maroc qui se libère un instant du protocole qui sied à son rang.
Ainsi, les camps de réfugiés vont être fermés et un calendrier a été mis en place. La gestion des territoires sahraouis et pour ce qui est de la représentation au niveau des instances, l’union se fera par une double représentation sahraouie et marocaine.
La cérémonie a été conclue par la signature du second traité de Marrakech qui stipule en préambule qu’il est la continuité naturelle du traité de 1989. L’importance des décisions ainsi adoptées a donné lieu à des manifestations de liesse populaire dans de nombreuses villes maghrébines.
Rattraper les retards
Mais le plus audacieux dans la démarche des Etats maghrébins est certainement cette propension à ne plus perdre de temps quitte à abdiquer une grande partie de la souveraineté des Etats pour les fusionner dans le cadre de l’union.
Une instance exécutive de l’union sera mise en place alors qu’une assemblée représentative, un Parlement maghrébin sera également institué. Un madjlis echoura dont les élections se tiendront indépendamment des élections législatives nationales des pays.
Par ailleurs, nous avons appris que dans les semaines qui viennent, les commissions spécialisées mises en place vont proposer trois traités importants. Ils concernent les politiques intégrées. C’est dans le cadre d’un de ces traités que sera instituée la monnaie unique qui supplantera dans trois ans au maximum les monnaies nationales. Le dinar maghrébin, divisé en 100 dirhams, sera en usage sous forme de chèques et dans les transactions bancaires dans un premier temps. Le dinar maghrébin sera une monnaie convertible, gérée par la banque centrale maghrébine dans laquelle vont fusionner dans les années à venir les banques centrales nationales.
Il faut comprendre que cette union va permettre de créer une véritable puissance économique régionale. Avec plus de 300 milliards de dollars de PIB actuel, c’est une véritable locomotive de progrès qui est ainsi mise en branle. En termes de richesses naturelles, c’est une région où plus que le pétrole et le gaz dont foisonnent les sous-sols algérien et libyen, minerais en tous genre sont déjà en exploitation, mais cette région constitue dorénavant aussi une force en matière agricole.
Il reste que l’édification de l’avenir ne peut pas demeurer en reste avec les passifs. Une commission supra nationale extraordinaire, avec une durée limitée, a été également mise en place pour régler l’ensemble des contentieux en suspens entre les Etats maghrébins. Des questions dramatiques où sont mises en relief des affaires de spoliations de biens, d’expulsions, de déni de justice. Cette commission recevra directement les doléances des personnes concernées et agira dans le cadre d’une juridiction à mettre en place, la juridiction maghrébine sous l’égide directe des chefs d’Etat et des instances judiciaires suprêmes des Etats. Il est vrai que la jeune histoire des indépendances a donné lieu à des errements qui, s’ils ne sont pas rattrapés, empêcheront toute évolution sereine d’un avenir rempli certes d’espoir et toujours rêvé par les générations qui se succèdent.
Amine Esseghir
In Les Débats du 18 au 24 février 2009
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