samedi 29 août 2009

Autre quartier autre bidonville

Frais Vallon, Larbaâ et les autres

Un pays à l'abandon

Des quartiers périphériques où l’on cultive ses aigreurs, ses frustrations et un sentiment d'abandon et où le langage de l'espoir n'a pas prise. Une route qui monte, éclairée dans l'obscurité naissante par les seuls phares de la voiture. Une route complètement défoncée si bien qu'on on imagine aisément qu'elle a été bombardée récemment.

A la lumière des phares on cherche les plaques d'asphaltes pour éviter le chaos de la route. De l'eau qui coule d'une conduite cassée, depuis plusieurs jours nous dit-on, rend la chaussée glissante. La voiture dérape légèrement dans les virages en épingle à cheveux. De temps à autre, la lumière blafarde de quelques lampadaires encore fonctionnels éclaire les alentours peu accueillants et soulage un instant le regard dans une halte visuelle avant de sombrer encore dans le noir et rouler, tout phares allumés, pour éviter les nids de poules, les crevasses et même les rigoles creusées par les inondations du 11 novembre 2001 qui traversent la route de part en part. Elles ont été couvertes de grilles de protection qui soit ont disparu, soit sont aujourd'hui mal posées au risque de casser quelque chose sous le véhicule si le conducteur, dans un excès de confiance, passe un peu trop vite sur l'une d’elles qui s'est retrouvée à la verticale.
L'ambiance est morose. Quelques magasins qui ponctuent la distance donnent un tant soit peu l'image d'un quartier presque ordinaire. Mais on est étonné par la modestie des lieux. Peu d'investissement, si ce n'est que l'on a rapproché des points de ravitaillement des populations locales par la grâce de l'initiative d'individus. C'est du commerce, mais bien utile quand on habite aussi haut perché. Des magasins d'alimentation générale, des marchands de fruits et légumes faisant également dépôt de pain, sans plus.
Mais ce qui frappe, c'est bien l'absence d'urbanisation au sens classique. Peu de «cubes» avec garages au rez-de-chaussée et trois étages de logements au dessus. Pourtant, la foule des passants, les fourgons et bus qu'on croise la nuit déversent et ramassent des passagers, des gens du coin. Ils habitent les fourrés et les bois environnants, dans les bidonvilles qui s'y cachent.
Bien entendu, il n y a aucune découverte étrange dans ce périple. Nul n'ignore l'existence des baraques de Frais Vallon, de Oued Koriche sur la rue Mohamed-Chebine, mais on fait tout pour oublier leur existence.
On nous apprend que les bus ne commencent à circuler qu'à partir de 9h 00 dans le quartier et ceux qui veulent rallier la ville plus tôt doivent y aller à pied ou espérer croiser un taxi. En fait, la ville n'est située qu'à quelques mètres. La civilisation et ses grandes réalisations, une trémie toute neuve et une route goudronnée convenablement sont en contrebas du quartier, qui s'adosse à Djebel Koukou.
Ici on se souvient du terrorisme, de Flicha, des inondations ; on s’en rappelle si bien que l'on constate avec rage surtout que rien n'a changé depuis des années. Certes, de grands travaux sont menés à grands renforts de moyens pour le curage de l'oued, mais est-ce que ce seul chantier explique la désolation des lieux ? Le sentiment le mieux ressenti est la frustration et la pénible impression d'avoir été totalement oublié. Les inondations ont constitué, pour un temps, un espoir de voir les choses changer, puis on a commencé à attendre et à prendre son mal en patience.
A quelques kilomètres de là, dans la Mitidja, Larbaâ, qui souligne que la réconciliation est passée par là. On y va sans risque de se faire égorger de jour comme de nuit, mais dans tous les cas, il faut savoir être prudent. Là aussi les quartiers récents, les lotissements nouvellement délimités (en fait ils datent de plus de quinze ans), n'ont de neuf que le béton et les murs inachevés des nouvelles constructions légales ou illégales. Les routes sont un bourbier en hiver et des pistes défoncées impraticables et poussiéreuses en été. On s'affaire certes à mettre en place les trottoirs pour délimiter les îlots et urbaniser un tant soit peu des lieux. Mais les travaux sont lents à se faire et puis, il paraît que les VRD n'ont pas été encore réalisés, alors il faudra attendre que l'on creuse d'abord.
La route comme la ville auront longtemps cette image de chantier interminable. Là aussi, le sentiment d'être livré à soi-même semble prédominer chez les habitants du coin.

Les oubliés
Les exemples de ces quartiers, situés parfois à quelques centaines de mètres du centre-ville de la capitale ou constituant une banlieue involontaire d'Alger, peuvent être multipliés des dizaines de fois autour de la capitale et des grands centres urbains et chefs-lieux de wilayas.
Si effectivement, il ne s'agit pas de centres importants qui nécessitent de grandes infrastructures, on continue toutefois d'y vivre les affres de l'oubli. Les quelques habitants avec qui nous avons discuté semblent voir encore une fois un train passer à grande vitesse, eux-mêmes restants sur les bords de la voie. Ce train est celui de l'instruction ou de la santé. Les enfants des lotissements des communes de Larba ou de Meftah doivent toujours faire des kilomètres pour rejoindre l'école, passer parfois une journée sans avoir droit à un repas chaud. On peut ensuite deviser sur le phénomène de la déperdition scolaire. Un sentiment sourd de «hogra» parce que le développement, en 2006, semble tarder à venir alors que le pays compte quotidiennement ses recettes d'hydrocarbures et ses dettes remboursées par anticipation. «Nous n'avons pas vu cet argent ici», indique en souriant Mohamed, épicier à Larbaâ.
Finalement, les éléments apparents, ceux qui ont prévalu avant que la déferlante islamiste ait failli tout emporter en enrôlant des centaines de jeunes qui ne voyaient aucun espoir poindre dans une aventure sanglante et sans issue, sont toujours d'actualité. Une guerre civile (finalement il faut bien appeler les choses par leur nom) et une réconciliation nationale plus tard, les éléments constitutifs du terreau de la révolte sont omniprésents. Identiques et aussi forts qu'en 1990. Ils renvoient à des images qu'on avait cru disparues en 2006, mais ils rendent, par dessus tout, l'image d'un pays à l'abandon.
Amine Esseghir

In Les débats du 27 septembre au 3 octobre 2006

mardi 25 août 2009

Dénonçons, dénonçons il en restera surement quelque chose

Voici l'histoire d'un bidonville d'Alger dont on attendait l'éradication il y a 17 ans alors qu'il existait déjà à cette époque depuis 35 ans....
La Beaucheraye en 2009... Le bidonville a été finalement rasé en septembre 2010.
La Beaucheraye en 1992.

lundi 24 août 2009

Histoire de la prostitution en Algérie

Prostitution en Algérie
Une histoire de bureaucratie


Le terme en usage dans la presse est «prostitution clandestine». Bien entendu, il est utilisé en référence à une autre prostitution légale, autorisée. De là à dire qu’elle est acceptée et assumée, il y a encore du chemin à faire.


Elles seraient 1,2 million de femmes à pratiquer le plus vieux métier du monde de manière illégale en Algérie. Ce chiffre a été présenté dans un rapport d’enquête décrit comme confidentiel réalisé par l’institut de sondage «Abassacom» en 2008. Le document est d’autant plus intéressant qu’il nous apprend que le 1,2 million de prostituées feraient vivre 3 à 4 millions personnes.
Certes, nous pouvons digresser longtemps sur les chiffres obtenus et la méthode de «recensement» de ces femmes. Cela est d’autant plus difficile à comprendre que nous parlons d’une activité illégale, clandestine, et qui plus est dans un domaine où la discrétion est de rigueur. Dans le même temps, il est certain que le phénomène de la prostitution hors cadre légal a pris de l’ampleur* et nécessite une étude approfondie quand ce n’est pas une prise en charge. Car du point de vue réglementaire, la prostitution en Algérie tient plutôt du «reliquat» de la colonisation et de la misère sociale et morale qui l’accompagnait. Effectivement, du côté de la loi, c’est le néant absolu.
Dans un document publié en 2001 par le ministère de la Santé sur la lutte contre les IST VIH SIDA, il est noté que le seul texte réglementaire relatif à la prostitution est un arrêté du préfet d’Alger datant du 15 juin 1944, portant «règlement de la prostitution dans les villes ayant une police d’Etat», même si ledit document précise que le travail du sexe en Algérie s’exerce sous deux grandes formes : légal contrôle médical par les services de police, ou alors clandestin, sur lequel ne s’exerce que le contrôle des services de sécurité lorsqu’ils opèrent des descentes.
Il est tout de même intéressant que la réglementation pour travailler en maison légale (le document du ministère recensait 30 maisons encore ouvertes sur les 171 qui existaient en Algérie) précise même le processus d’entrée en activité. La travailleuse du sexe doit posséder une sorte d’agrément, l’arrêté d’exercice établi par la wilaya. Pour obtenir ce document, la candidate, qui doit être expressément célibataire,veuve ou divorcée, doit en faire expressément la demande à la wilaya et présenter un dossier administratif comprenant ladite demande (sic) et un certificat médical (sérologie de la syphilis, des hépatites B et C, VIH négatif et gonococcie négative). L’autorisation d’exercice obtenue, elle devra passer par le Service de Préservation Sociale pour enquête et par le Centre de Salubrité Publique pour sa sérologie.
Elle partira ensuite pour la ville où elle a choisi d’exercer. Une prostituée en activité doit passer par le CSP et le Service de Préservation Sociale où lui sera signifié son «départ», et ce, pour le moindre de ses déplacements (permission, arrêt de travail, départ). Une réglementation archaïque qui, loin de se soucier des questions sociales et morales, se soucie essentiellement des questions de salubrité, comme on s’intéresserait au ramassage des ordures ménagères.


Relique coloniale

Il reste que la réglementation française a elle-même évolué. L’existence des prostituées que les militaires français fréquentaient dès le début de la colonisation avait donné lieu à un des premiers textes réglementaires de la France en Algérie. Les noms des «filles publiques» étaient consignés dans le registre du dispendieux et celui de la police des mœurs. L’inscription était une garantie de travail pour la prostituée, mais aussi un moyen de réduire la propagation des maladies vénériennes qui réduisaient considérablement les effectifs aptes au combat. En 1837, le maire de la ville d’Alger prend officiellement en charge la surveillance des filles publiques.
En 1853, c’est le règlement français venu de métropole qui s’appliqua avec tout de même quelques nuances, puisque l’acte volontaire d’inscription n’était pas garanti en Algérie. Par ailleurs, la même réglementation donnait la possibilité aux femmes de «travailler en maison» ou librement en ramenant les clients chez elles. En 1930, la multiplication du nombre de prostituées, notamment celles qui échappaient au contrôle sanitaire, avait donné lieu à un classement des prostituées en deux catégories. Les prostituées légales, recensées dans les maisons, et les prostituées clandestines à qui était offerte la possibilité de se faire examiner par des médecins habilités ou au dispensaire. Cette manière de faire a permis surtout d’établir une statistique plus proche de la réalité. Le texte de 1944 n’est en fait que la succession logique de cette progression des textes réglementaires dont le seul souci était de préserver la santé publique plutôt que de trouver des réponses concrètes à un problème social dont on se souciait peu. Car au moment où se multipliaient les maisons closes dans les grandes villes algériennes, se publiaient en Algérie des «guides roses» donnant adresses et spécialités de ces maisons. Certaines maisons étaient devenues célèbres, comme «Le Chabanais» rue du Chêne, ou bien «Les trois étoiles» ou la maison «Chicago» rue Kataroujil qui se faisaient face à la Casbah d’Alger. La réglementation propre à gérer les questions d’hygiène avait donné naissance à une prostitution officielle folklorisée, donnant l’image de la colonie, quand elle ne fondait une part de son économie. Pour s’en convaincre, il suffit de relire «La prostitution, un sous-produit du régime colonial» publié dans La république algérienne en 1954. «Si le but du régime colonial était de porter atteinte à un honneur particulièrement chatouilleux, nous avouons que ce but est atteint car nous souffrons dans notre âme et dans notre dignité de voir nos filles livrées à la honte d’un commerce dégradant.» Le pire, c’est que cela continue.

La honte ottomane

La période ottomane ne fut pas non plus d’un grand secours aux prostituées. A Alger, c’était le mezouar, sorte d’agent de police responsable de l’ordre public, qui était en charge des filles publiques. Le mezouar recrutait les filles mais s’occupait aussi de prélever taxes et impôts pour la Régence sur la prostitution. Les filles de joie étaient souvent des prostituées clandestines qui tombaient entre ses griffes. Il y avait aussi dans le lot des femmes et des filles sur lesquelles il avait jeté son dévolu. Il suffisait d’un écart pour que les filles qui l’intéressent soient attrapées en flagrant délit d’adultère ou pour un simple flirt.
Il reste qu’au-delà d’assurer la garde des filles publiques, le mezouar assumait aussi le rôle de proxénète et de tenancier de bordel dans la mesure où c’était à lui qu’il fallait s’adresser pour avoir accès aux services des filles publiques. Le mezouar sera aussi d’un grand apport à l’administration militaire française dès le début de l’invasion, autant pour préserver le moral des troupes que pour informer et guider les nouvelles autorités dans la ville. Mal des sociétés depuis la nuit des temps, la prostitution reste tout de même l’expression d’un malaise, voire d’une violence. Impossible à éradiquer, les sociétés modernes tendent en général à en réduire les effets, notamment sur les prostituées elles-mêmes. C’est loin d’être le cas chez nous.
Amine Esseghir

* L’observation que peut faire n’importe quel individu indique bien que la prostitution se cache de moins en moins, qu’elle prend ses quartiers et a ses lieux de prédilection.
A ce sujet également, un livre à lire absolument : «De la tolérance en Algérie» de Barkahoum Ferhati (Editions Dar El Othmania - Alger, 2007)

In Les Débats du 4 au 10 mars 2009

Le rêve du Maghreb uni

Le rêve Maghrebin, est certainement l'utopie que partagent le mieux les habitants de l'Algérie, de la Tunisie, du Maroc, de la Libye et de la Mauritanie. Utopie parce que cette union régionale que tout tend à dire qu'elle est la plus facile et la plus évidente à faire tarde à devenir concrète. Bien entendu ce qui bloque l'union ce sont les différends entre les gouvernements de ces pays. Le plus complexe des ces différend celui qui oppose l'Algérie au Maroc. En attendant que l'union se fasse rêvons.

20e anniversaire de la signature du traité de l’UMA

Un rêve maghrébin

Le palais royal de Marrakech aura vécu, pour cet anniversaire de la signature du traité de l'Union du Maghreb arabe le 17 février 1989, une journée riche en émotion. Une journée que l'histoire retiendra à coup sûr comme le début d'une ère nouvelle pour les peuples de cette région.

C’est officiel, les chefs des Etats maghrébins ont décidé d’instituer à partir de maintenant l’Union maghrébine (El Ittihad al maghribi), une entité qui remplace l’UMA non seulement par sa dénomination mais aussi par ses structures. Cette nouvelle entité sera l’organisation supra nationale qui fédérera dorénavant les Etats maghrébins et qui agira en leur nom dans nombre de domaines, dont les plus remarquables sont certainement la sécurité et la diplomatie.
Devant une très importante assistance et devant les caméras qui retransmettaient les images de la cérémonie dans une centaine de pays, le discours du président algérien aura ouvert le bal. Ce choix protocolaire a été expliqué dans les couloirs du palais par un fait historique : c’est en effet en Algérie, plus exactement à Zéralda en juin 1988, qu’avait été préparée la réunion de Marrakech qui a abouti au traité fondateur de 1989.
Avec des mots particulièrement pesés qui donnaient toute la solennité à ce moment historique et entrecoupé de longues salves d’applaudissements, le discours annoncera ce que tout le monde suppose depuis des semaines, c’est-à-dire l’abolition des frontières entre les Etats du Maghreb.
«Je remercie les frères d’avoir adhéré à l’idée de refondation de notre Union et d’avoir accepté d’engager cette nouvelle œuvre d’édification de l’avenir de notre région». Le président algérien soulignera que si le reproche a été fait aux dirigeants maghrébins d’avoir pris du retard, «il ne s’agira plus cette fois de nous reprocher d’aller trop vite, l’avenir et le bonheur de notre peuple ne peuvent plus attendre». Ce peuple, c’est bien entendu les Maghrébins qui, dorénavant, circuleront librement entre les pays du Maghreb, mais qui plus est, présenteront un passeport unique dans les pays étrangers.
Le président algérien ne laissera rien en suspens : il évoquera la question du Sahara occidental sans la nommer puisqu’il indiquera aussi que si du retard a été pris, c’est parce que malheureusement la région a aussi fait face au dernier cas de décolonisation dans le monde. «Est-ce que les frères peuvent nous reprocher d’avoir été fidèles aux principes qui ont fondé non seulement l’Algérie moderne mais aussi l’ensemble du Maghreb ?» Il conclura que finalement si des retards ont été enregistrés et des occasions ratées, c’est aussi parce que l’histoire douloureuse du Maghreb est aussi une histoire d’émancipation.

Transcender le conjoncturel

Le roi du Maroc qui succèdera à la tribune abondera dans le même sens que le président algérien, non sans rappeler que l’édification maghrébine est aujourd’hui plus pressante et plus importante que des revendications de souveraineté. «Le Maroc, fier de son histoire, ne peut non plus capitaliser ses réalisations en défaisant les liens fraternels et historiques qui le lient à ses pays frères.» Le souverain chérifien soulignera que «la force de ces liens et leur profondeur historique permettent aujourd’hui de se défaire des revendications nationales pour les fondre dans une œuvre d’édification civilisationnelle qui transcende les revendications souvent conjoncturelles et toujours temporelles».
Le président tunisien remarquera que l’événement suivi dans le monde entier ce jour s’inscrit «dans la continuité de l’œuvre des pères qui s’étaient réunis au lendemain des indépendances de la Tunisie et du Maroc à Tanger en 1958, avec les militants nationalistes algériens encore en guerre contre l’occupant, pour échafauder déjà les utopies qui portaient plus loin les espoirs des peuples, avec le regard transcendant des révolutionnaires, agissant dans le cadre d’une construction historique qui s’éloigne forcément des questions de décolonisation ou d’indépendance».
Le chef de l’Etat libyen pour sa part mettra en évidence la propension des Maghrébins à sous-estimer leurs capacités quand il s’agit de prendre rendez-vous avec l’histoire. Le président mauritanien insistera quant à lui sur la nécessité d’aller de l’avant dans la construction maghrébine en laissant le soin aux historiens de rappeler les errements passés.

Rendre justice aux Sahraouis

L’invité surprise à cette importante cérémonie est sans nul doute le chef de l’Etat de la RASD. Le président de la République Arabe Sahraouie Démocratique, non reconnue jusque-là par le Maroc, indiquera dans son discours qu’il n’apporte que des bonnes nouvelles. «Dorénavant, il n y aura plus de camps de réfugiés. Les Sahraouis des camps vont rejoindre leurs proches et leurs familles dans les villes et villages du Sahara. Il n’y aura plus de revendications territoriales, plus de référendum, plus de lutte, car l’édification maghrébine est certainement la lutte suprême (…) Les années de lutte ont été justifiées par la conjoncture, mais aujourd’hui nous sommes d’accord pour ne pas demeurer en reste de nos frères» ajoutera-t-il. Une double annonce donc conclue par une chaude accolade, inattendue et tout aussi historique que la fondation de la nouvelle union maghrébine, entre le premier responsable de la RASD et le roi du Maroc qui se libère un instant du protocole qui sied à son rang.
Ainsi, les camps de réfugiés vont être fermés et un calendrier a été mis en place. La gestion des territoires sahraouis et pour ce qui est de la représentation au niveau des instances, l’union se fera par une double représentation sahraouie et marocaine.
La cérémonie a été conclue par la signature du second traité de Marrakech qui stipule en préambule qu’il est la continuité naturelle du traité de 1989. L’importance des décisions ainsi adoptées a donné lieu à des manifestations de liesse populaire dans de nombreuses villes maghrébines.

Rattraper les retards

Mais le plus audacieux dans la démarche des Etats maghrébins est certainement cette propension à ne plus perdre de temps quitte à abdiquer une grande partie de la souveraineté des Etats pour les fusionner dans le cadre de l’union.
Une instance exécutive de l’union sera mise en place alors qu’une assemblée représentative, un Parlement maghrébin sera également institué. Un madjlis echoura dont les élections se tiendront indépendamment des élections législatives nationales des pays.
Par ailleurs, nous avons appris que dans les semaines qui viennent, les commissions spécialisées mises en place vont proposer trois traités importants. Ils concernent les politiques intégrées. C’est dans le cadre d’un de ces traités que sera instituée la monnaie unique qui supplantera dans trois ans au maximum les monnaies nationales. Le dinar maghrébin, divisé en 100 dirhams, sera en usage sous forme de chèques et dans les transactions bancaires dans un premier temps. Le dinar maghrébin sera une monnaie convertible, gérée par la banque centrale maghrébine dans laquelle vont fusionner dans les années à venir les banques centrales nationales.
Il faut comprendre que cette union va permettre de créer une véritable puissance économique régionale. Avec plus de 300 milliards de dollars de PIB actuel, c’est une véritable locomotive de progrès qui est ainsi mise en branle. En termes de richesses naturelles, c’est une région où plus que le pétrole et le gaz dont foisonnent les sous-sols algérien et libyen, minerais en tous genre sont déjà en exploitation, mais cette région constitue dorénavant aussi une force en matière agricole.
Il reste que l’édification de l’avenir ne peut pas demeurer en reste avec les passifs. Une commission supra nationale extraordinaire, avec une durée limitée, a été également mise en place pour régler l’ensemble des contentieux en suspens entre les Etats maghrébins. Des questions dramatiques où sont mises en relief des affaires de spoliations de biens, d’expulsions, de déni de justice. Cette commission recevra directement les doléances des personnes concernées et agira dans le cadre d’une juridiction à mettre en place, la juridiction maghrébine sous l’égide directe des chefs d’Etat et des instances judiciaires suprêmes des Etats. Il est vrai que la jeune histoire des indépendances a donné lieu à des errements qui, s’ils ne sont pas rattrapés, empêcheront toute évolution sereine d’un avenir rempli certes d’espoir et toujours rêvé par les générations qui se succèdent.

Amine Esseghir

In Les Débats du 18 au 24 février 2009

vendredi 21 août 2009

Histoire du Sahara occidental... pour comprendre un problème qui bloque l'évolution des populations de toute une région du monde

Comprendre la problématique du Sahara occidental
Repères
historiques


Au moment où s'engagent des pourparlers apparemment décisifs pour l'avenir du Sahara occidental comme pour l'avenir du Maghreb, une vision, la plus claire possible, de cette problématique devient pressante. Celle-ci ne peut se faire en dehors d'une lecture exhaustive de l'histoire du conflit, mais aussi de l'histoire de la région. Il reste qu'en dehors de doctes ouvrages et de complexes analyses, certainement utiles quand on traite de la question sahraouie, point d'explication aussi succincte que précise pour le grand public. Il faut dire qu'en plus de la complexité de la situation actuelle, la difficulté pour appréhender la question sahraouie réside dans un fait particulier : trop peu d'historiens s'y sont intéressés.

Néanmoins, cette partie de l’Afrique du Nord n’a jamais été en marge des évolutions historiques qu’a connue la région.

D’ailleurs, comment peut-on connaître l’histoire du Sahara, séparée de son environnement politique et historique direct ? Comble des paradoxes dans une situation de flou total pour les opinions maghrébines, c’est pourtant par les seules références à l’histoire et à l’ethnographie que le pouvoir marocain tend à faire admettre que le Sahara occidental est une partie inaliénable du royaume actuel (1). Petite chronologie non exhaustive sur un territoire pauvre en faits mais riche en rebondissements.



5000 à 2500 av. J.-C. : les régions ouest du Sahara sont une savane peuplée de girafes, d’éléphants et de rhinocéros. Présence de l’homme ; découverte de dessins rupestres de l’époque néolithique.

VIIIe au IXe siècle : expansion progressive de l’islam dans le désert. Apparition d’un commerce à travers le Sahara. Des caravanes d’or africain à destination de l’Orient, de la Méditerranée occidentale et de l’Espagne traversent cette région.

745 : Abderrahamne Ibn Habib, gouverneur de l’Ifriqya sous le règne de Omeyyades, fait creuser une série de puits sur une piste reliant le sud du Maroc à la ville d’Aaoudaghst (sud de la Mauritanie actuelle).

808 : Idris Al-Asghar ou Idris II (fils de Idris, né à Walili (Volubilis) et venu de la Mecque après la révolte de Husayn, descendant de Ali et Fatima, fille du prophète Mohamed); il fait de la ville de Fez, fondée par son père, la capitale de l’empire idrisside.

XIe siècle : fondation de l’Etat almoravide par les Lemtuna (peuple du désert portant le litham). Youssef Ben Tachfin, issu des tribus nomades du Sahara, en devient le souverain ; il fonde la ville de Marrakech.

XIIe siècle : Abdelmoumen prend Fez. S’ensuit la conquête de tout le Maghreb par les Almohades.

XIIIe siècle : venue au Sahara occidental des Arabes Maaqil, dont descendraient les tribus de Ouled Delim, Ouled Tidrarin, Arousiyen et Bou Sbaa.

XVIIe siècle : avènement au pouvoir au Maroc de la dynastie alaouite, originaire du Tafilalet, au sud du Maroc (aux frontières reconnues internationalement).

1786 : traité conclu entre le Maroc et les Etats-Unis d’Amérique reconnaissant la souveraineté du royaume alaouite sur les contrées comprenant le Sahara occidental.

1821 : Alexander Scott dresse une première liste de noms des diverses tribus ou factions nomadisantes dans cette région. Il cite les Reguibat, les Toualbat, les Mejjat, les Izraguien, les Ouled Delim, les Arousiyen, les Ouled Tidrarin, les Skarna et d’autres.

1836 : nouveau traité conclu avec les Etats-Unis d’Amérique reconnaissant le territoire du royaume du Maroc avec le Sahara occidental.

1850-1853 : listes de Léopold Panet et du colonel Faidherbe citant les tribus du Sahara occidental. On y retrouve les Reguibat, les Mejjat, les Izraguien, les Ouled Delim, les Arousiyen, les Ouled Tidrarin, les Ouled Bou Sbaa.

1856 : traité avec la Grande-Bretagne sur la reconnaissance du territoire du Maroc incluant le Sahara.

1861 : traité avec l’Espagne reconnaissant la souveraineté du Maroc sur le territoire du Sahara occidental.

1882 : première expédition de Hassan 1er au Sahara occidental pour installer caïds et cadis. Le prélèvement de l’impôt au profit du roi touche aussi les populations du Sahara.

1884 : après la conférence de Berlin consacrée au «partage de l’Afrique», les Espagnols s’implantent sur ce territoire dénommé Río de Oro (la côte du Sahara occidental), en face de l’archipel des îles Canaries conquises depuis le XVe siècle. Des tribus nomades – la puissante confédération des Reguibat – se soucient peu des frontières et se déplacent sur les vastes territoires qui s’étendent depuis l’oued Draa, au sud du Maroc, jusqu’au fleuve Sénégal (3).

1885 : les premiers explorateurs espagnols fréquentent les tribus des Izarguien, les Aït Moussa Oua Ali dans la région dite de Cap Juby (aujourd’hui Tarfaya), à l’extrême sud du Maroc actuel et les Ouled Bou Sbaa et Ouled Delim dans le Rio de Oro.

1886 : premières délimitations des frontières du Sahara occidental par Paris et Madrid. Des changements successifs et des corrections seront apportés jusqu’en 1934.

1886 : seconde expédition du roi Hassan 1er au Sahara occidental

1887 : pillage du campement de Villa Cisnéros (aujourd’hui Dakhla), première «ville» d’occupation espagnole sur la côte sahraouie la plus au sud.

1892 : nouveau pillage de Villa Cisnéros.

1894 : attaque des bateaux ravitailleurs Tres de Mayo et Las Maria.

13 mars 1895 : traité anglo-marocain dont l’article 1er disposait que : «(...) Aucune puissance ne pourra émettre des prétentions sur les territoires allant de l’oued Draâ au Cap Bojador et appelés Tarfaya comme il est dit plus haut et à l’intérieur parce que ces territoires appartiennent au Maroc.»

1898 : Fondation de la ville de Smara par Cheikh Ma Al-Aïnin issu des Reguibat, figure emblématique de la résistance sahraouie à la colonisation espagnole, sur le territoire qui se nommait alors «l’Afrique occidentale espagnole».

1898 : attaque d’un bâtiment fortifié à Dakhla. Plusieurs employés de la compagnie commerciale hispano-africaine sont assassinés. Les survivants fuient par bateau aux îles Canaries.

Fin du XIXe siècle : Cheikh Ma Al-Aïnin est présenté comme représentant spécial du sultan dont il exécuterait la politique sur le plan local. Au moment où le roi signe des traités abdiquant des pans entiers de souveraineté, Ma Al-Aïnin mène des combats face aux incursions étrangères au Sahara occidental.

1903 : les nomades utilisent l’arrière-pays de la colonie espagnole comme refuge pour lutter contre les tentatives françaises en vue de soumettre les territoires alentour. Cheikh Ma Al-Aïnin proclame le djihad général et s’arrange pour que des cargaisons d’armes parviennent jusqu’aux foyers de résistance à Smara et dans l’Adrar. Ma Al-Aïnin négociait avec les firmes Woermann de Hambourg et Torrese de Barcelone qui expédient les armes avec la complicité de leur gouvernement à Tarfaya par bateau.

1905 : le sultan Abdelaziz, roi du Maroc, envoie son oncle Moulay Idris Ben Abderrahmane Ben Souleymane rejoindre Ma El-Aïnin avec une cargaison d’armes.

1911 : accord franco-allemand sur la prépondérance de la France sur le Maroc.

1912 : signature du traité de Fez et début du protectorat français sur le Maroc. Le sultan Moulay Hafid place son pays sous la protection de la France. «La pleine liberté d’action» est assurée à l’Espagne dans la Saguia El-Hamra. Convention fixant les frontières et zones d’influence française et espagnole sur le Sahara.

septembre et novembre 1930 : voyage de Michel Vieuchange dans la région accomplissant près de 1400 km à pied de Tiznit (sud du Maroc) à Smara (nord-est du Sahara occidental).

1932 : publication en France de «Smara» récit de voyage de Michel Vieuchange, textes reprenant in extenso les carnets de voyage de Michel Vieuchange chez les dissidents du Sud marocain et du Rio de Oro, avec 53 gravures et une carte ainsi qu’une préface de Paul Claudel.

1934 : les Français brisent la résistance sahraouie. Les Espagnols sont cantonnés dans de petits postes côtiers. Une trêve est conclue entre les Français et les Aït Ba Amrane.

Milieu du XXe siècle : découverte d’un important gisement de phosphates à Bou Craa. Les Espagnols envisagent la création d’un micro-État (70 000 habitants) dont il leur sera facile de guider les orientations économiques (2).

1953 : lutte effective pour l’indépendance au Maroc. Des milliers de Sahraouis rallient l’Armée de libération du Maroc (marocaine), en tant que citoyens marocains.

Janvier 1956 : Indépendance du Maroc; les Sahraouis rejoignent le Sahara demeuré sous le joug espagnol ainsi que Ifni et Tarfaya. L’Armée de libération du Maroc est dissoute et le nouvel Etat indépendant n’engage pas d’affrontement direct avec l’Espagne sur les territoires du Sud.

Janvier 1958 : création par l’Espagne du territoire administratif du « sahara espagnol» rassemblant les territoires de Río de Oro et de Saguia el-Hamra. La même année, l’Espagne cède la bande de Tarfaya au Maroc.

Juillet 1962 : indépendance de l’Algérie.

Mars 1963 : signature à Alger de la convention d’établissement algéro-marocaine garantissant la libre jouissance de leur propriété des Algériens au Maroc et des Marocains en Algérie.

Octobre 1963 : affrontement dit de la “guerre des sables” dans la hamada à la frontière algéro-marocaine entre l’armée marocaine et la jeune armée algérienne issue de l’Armée de libération nationale.

1963 : à la demande du Maroc, le comité spécial de décolonisation de l’ONU inclut le Sahara occidental dans la liste des territoires devant être décolonisés.

1965 : le Maroc demande à l’Espagne d’engager des négociations directes pour la restitution des territoires occupés du Sahara occidental. Fin de non-recevoir de Madrid.

Juillet 1972 : signature du traité dit de Ifran de délimitation des confins algéro-marocains devant mettre un terme aux questions des frontières entre les deux pays. Le Maroc ne dépose pas les instruments de ratification de ce traité devant l’ONU.

Mars 1973 : un dahir (décret royal) proclame le transfert à l’Etat de la propriété des immeubles agricoles appartenant aux personnes physiques étrangères et aux personnes morales. Des milliers d’algériens de Guercif, Agadir, Taza, Oujda, Berkane, Casablanca, Nador et Fès sont spoliés .

1973 : création du Front Polisario (Frunte para la liberacione de Saguia Hamra y Rio de Oro) par les indépendantistes sahraouis, essentiellement des anciens combattants de l’Armée de libération du Maroc, déçus par le régime marocain.

1975 : l’Espagne quitte le Sahara occidental. Accords de Madrid confiant l’administration de Saguia El-Hamra au Maroc et du Rio de Oro à la Mauritanie. Cette région désertique est habitée par moins de 100 000 personnes, pour la plupart nomades.

6 novembre 1975 : à partir du PC opérationnel d’Agadir, le roi Hassan II prononce l’ordre «Osman en avant...» et fait déployer 350 000 marcheurs qui franchissent les barbelés marquant la frontière entre le Maroc et le Sahara occidental. S’ensuit l’occupation militaire.

Début 1976 : invasion militaire du territoire du Sahara occidental par l’armée marocaine. Un grand mouvement de fuite des populations civiles est observé. A l’arrivée des troupes marocaines dans les villes, les habitants s’enfuient dans le désert, ne laissant que les femmes, les enfants et les personnes âgées ou incapables de partir. Des retours sont enregistrés, mais de milliers de Sahraouis prennent la route de l’exil et se regroupent dans les camps de réfugiés de Tindouf.

1976 : le Front Polisario engage une guérilla visant à l’établissement d’une République sahraouie indépendante. Les hommes du Polisario dirigent la plupart de leurs attaques contre les forces mauritaniennes. Proclamation de la République arabe démocratique sahraouie (RASD) dont le gouvernement est installé à Tindouf avec les réfugiés sahraouis.

1978 : mort de Houari Boumediene. La tension se relâche entre l’Algérie et le Maroc et un lent processus de paix est engagé.

1979 : la Mauritanie abandonne le Sahara occidental, laissant seul le Maroc, qui annexe la zone mauritanienne non incluse dans les territoires sous son administration dans le traité de Madrid. Le Conseil de sécurité de l’ONU condamne «l’occupation marocaine» et reconnaît le Front Polisario comme «représentant légitime du peuple sahraoui».

1981 : la construction des «murs» marocains marque un tournant stratégique dans le conflit. Ce remblai isole la côte atlantique du Sahara, qui constitue une importante zone de pêche, et 200 000 km2 de Sahara «utile» sur les 267 000 km2 du territoire. Les gisements de phosphates de Bou Craa sont mis à l’abri. Le Maroc organise un mouvement migratoire et met en place une importante infrastructure économique et sociale. Le Maroc investit, entre 1976 et 1989, environ 2,8 milliards de dollars pour soutenir la croissance locale. Plus de 100 000 fonctionnaires marocains vivent au Sahara et près de 160 000 soldats y sont cantonnés.

1982 : l’Organisation de l’unité africaine (OUA) admet la RASD en tant que membre après qu’elle ait été reconnue par une soixantaine d’Etats.

1985 : le Maroc quitte l’OUA.

1988 : le plan de paix de l’ONU est accepté par le Maroc et le Front Polisario.

1990 : réédition en France du livre de Michel Vieuchange sous le titre «Smara : carnets de route d’un fou de désert» sans les photos originales de Michel Vieuchange ni la carte que son frère avait établie d’après ses relevés de 1930.

1991 : signature d’un accord de cessez-le-feu permettant la mise en œuvre du plan de paix. Le référendum d’autodétermination prévu en 1992 se heurte à la difficile définition du corps électoral.

Résolution 690 du Conseil de sécurité qui crée la Mission de l’ONU pour l’organisation du référendum au Sahara occidental (Minurso). Le texte indique que «le peuple du Sahara choisira librement et démocratiquement entre l’indépendance et l’annexion au Maroc». Pour organiser ce référendum, la Minurso devait s’occuper du recensement des votants, de la libération des détenus et du rapatriement des réfugiés sahraouis résidant en Algérie.

1993 : Rabat inclut «institutionnellement» le Sahara occidental dans les élections municipales et législatives et dans le référendum constitutionnel.

1994 : début des opérations d’enregistrement des électeurs sahraouis. Au moins 150 000 réfugiés sahraouis sont installés dans les camps de Tindouf. La base du corps électoral est celle établie en 1974, lors du recensement effectué par l’Espagne, qui avait dénombré 74 000 personnes. Le Maroc propose une liste complémentaire de 120 000 noms. Selon un rapport cité dans Civil Society publié au Caire en mars 1996, l’ONG de défense des droits de l’homme Human Right Watch indique que Rabat aurait transféré, en 1991, pas moins de 40 000 personnes dans le Sahara, qui y vivraient dans des tentes.

1995 : le diplomate américain Frank Rudy (ancien vice-président du comité d’organisation du référendum et membre de la Minurso) dénonce, devant le Congrès, à Washington, l’erreur d’avoir accordé aux deux belligérants (Maroc et Polisario) le soin d’identifier les électeurs potentiels, en lieu et place de l’ONU. Le nombre des personnes aspirant à voter avoisinait cette année-là les 230 000 à 250 000 si l’on incluait les émigrants sahraouis en Algérie, en Mauritanie, aux îles Canaries, en Espagne métropolitaine et en France.

1995 : le Polisario libère 185 prisonniers de guerre marocains.

Novembre 1996 : le Maroc libère 66 détenus du Front Polisario. Ils rejoignent Tindouf où se trouvent les camps de réfugiés sahraouis.

1996 : Ahmed Alaoui, ancien ministre et proche conseiller du roi Hassan II, propose au Polisario la solution dite de la «régionalisation», une solution de rechange à l’indépendance qui consiste en une intégration au Maroc basée sur l’autonomie et la décentralisation. La thèse de l’autonomie dans le cadre de l’Etat marocain est soutenue aussi par Javier Ruperez, du Parti populaire (PP) espagnol, président de la commission des affaires étrangères du Congrès des députés de Madrid, qui indique que «la question du Sahara doit faire l’objet d’une négociation et rendre propice l’existence d’un Sahara autonome dans le cadre de la souveraineté marocaine».

1997 : le « «Report of the Secretary General on the Situation Concerning Western Sahara» du Conseil de sécurité des Nations unies souligne que «l’Union européenne, les Etats-Unis et l’ONU ont intérêt à ce qu’une issue se dégage de ce contentieux qui affecte l’Afrique du Nord et qui ajoute un élément d’instabilité à une région déjà fortement perturbée par la guerre civile en Algérie. Situé dans une zone prioritaire pour la sécurité de l’Europe, le Sahara occidental oppose directement le Maroc et l’Algérie, qui se sont affrontés pour l’hégémonie régionale».

1997 : Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU, permet de relancer le processus de paix au Sahara occidental et nomme James Baker, ancien secrétaire d’État américain, comme envoyé personnel pour le Sahara occidental.

Avril 1997 : Baker visite la région

Septembre 1997 : réunion sous la houlette de James Baker des Sahraouis et des Marocains à Houston (Etats-Unis). Signature des accords de Houston qui prévoient la tenue du référendum en 1998.

Décembre 1997 : reprise de l’identification des électeurs. Elle bute à nouveau sur le statut de plusieurs tribus nomades. Le référendum est repoussé à décembre 1999.

1999 : rejet par la commission d’identification de la plupart des demandes individuelles d’inscription de ces tribus; le Maroc n’approuve pas. Le Polisario déclare une possible reprise des hostilités armée si le référendum est continuellement repoussé. La RASD adopte sa constitution.

2000 : premier plan Baker connu sous le nom «Baker I» offrant une large autonomie locale dans le cadre de l’État marocain. Les compétences du royaume sont limitées à la défense et aux affaires étrangères. Le plan est accepté par le Maroc et rejeté par le Polisario.

Libération de 201 prisonniers marocains détenus par le Polisario.

2002 : dans un rapport remis au secrétaire général de l’ONU, le Maroc est qualifié pour la première fois de «puissance administrante» du Sahara occidental sans que cette qualification ne soit portée sur la liste des territoires non autonomes tenue par l’ONU. «Puissance administrante» aurait autorisé le Maroc à exploiter les ressources naturelles du territoire.

2003 : nouveau plan de James Baker appelé «Baker II». Il prévoit l’établissement d’une Autorité du Sahara occidental pour cinq ans avant la tenue du référendum auquel les marocains non originaires du Sahara occidental participeraient et où la nouvelle option d’une «autonomie permanente» figurerait. Le plan est approuvé unanimement par le Conseil de sécurité sous la condition de son acceptation par toutes les parties. Le plan est refusé par le Maroc, considérant qu’il compromet son «intégrité territoriale».

Août 2003 : le diplomate péruvien Alvaro de Soto est nommé par l’ONU au poste de Représentant spécial pour le Sahara occidental.

Mars 2004 : début des échanges des visites familiales sous l’égide de la Minurso. Un premier groupe de réfugiés sahraouis de Tindouf se rend à Laâyoune, dans les Territoires du Sahara occidental, pour la première fois depuis 25 ans. Le même vol dans l’autre sens dépose avec un nouveau groupe de personnes qui peuvent visiter leurs familles dans les camps de réfugiés à Tindouf.

Juin 2004 : James Baker démissionne de son poste de représentant du SG de l’ONU pour le Sahara occidental.

2004 : projet d’autonomie dans le cadre de la souveraineté marocaine, lancé par Rabat et rejeté par le Front Polisario.

Mai 2005 : déclenchement des manifestations et émeutes, surnommées «intifadha pour l’indépendance» par le Polisario. Elles ont lieu principalement à Laâyoune et dans plusieurs villes du Sahara occidental. Des journalistes étrangers sont expulsés après avoir interviewé des manifestants.

Juillet 2005 : Ban Ki-Moon, secrétaire général de l’ONU, nomme Peter van Walsum, envoyé personnel pour le Sahara occidental du secrétaire général des Nations unies.

Août 2005 : libération des 404 derniers prisonniers de guerre marocains détenus pendant plus de 20 ans par le Front Polisario.

Décembre 2005 : quatorze militants sahraouis sont condamnés à des peines de prison. Amnesty International et Human Rights Watch expriment de vives réserves sur les conditions de ces procès. Amnesty International demande une enquête sur les accusations de torture de prisonniers.

2006 : le roi Mohamed VI met en place le Conseil royal consultatif pour les affaires sahariennes (CORCAS). la troisième voie de l’autonomie, entre l’annexion et l’indépendance est proposée aux Sahraouis.

Le Maroc se dit favorable à la tenue d’un référendum d’autodétermination de la population du Sahara Occidental s’il n’inclut pas parmi ses options l’indépendance du territoire.

Décembre 2006 : le Conseil royal consultatif pour les affaires sahariennes (CORCAS, assemblée de notables Sahraouis) propose au roi Mohammed VI «la mise sur pied d’un gouvernement local, d’un Parlement et d’une autorité judiciaire autonomes dans le territoire du Sahara».

Avril 2007 : adoption par le Conseil de sécurité des Nations unies de la résolution 1754 exhortant les deux parties à entamer des négociations directes sans conditions préalables et de bonne foi. La même résolution prolonge la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso) jusqu’au 31 octobre 2007.

Avril 2007 : le Maroc présente son projet d’autonomie du Sahara Occidental. Le projet d’autonomie pour le Sahara s’articule autour de trois axes : la souveraineté du Maroc, la prise en compte des particularités sociales et culturelles de la région et les critères internationaux en matière d’autonomie.

19 et 20 juin 2007 : premier round de négociations de Manhasset (banlieue huppée de New York, Etats-Unis) appelé Manhasset I.

10 et 11 août 2007 : deuxième round de Manhasset qui ne débouche sur rien de concret.

8 et 9 janvier 2008 : troisième round de négociations de Manhasset qui conclut à la nécessité d’entamer une nouvelle phase de négociations, «plus intensive et substantielle» pour les deux parties en conflit.

18 et 19 mars 2008 : quatrième round des négociations de Manhasset qui confirme l’échec de ces premiers pourparlers.

Mai 2008 : Peter van Waslum exprime une opinion personnelle devant le conseil de sécurité considérant que si aucune pression n’est exercée sur le Maroc, l’option d’indépendance du Sahara occidental est un objectif irréaliste.

30 avril 2008 : le Conseil de sécurité des Nations unies adopte la résolution 1813 qui renouvelle en substance le mandat de la Minurso jusqu’au 30 avril 2009, réitère les principes fondamentaux énoncés lors des résolutions précédentes mais surtout «fait sienne la recommandation formulée dans le rapport selon laquelle il est indispensable que les parties fassent preuve de réalisme et d’un esprit de compromis afin de maintenir l’élan imprimé au processus de négociation».

Septembre 2008 : Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon nomme le diplomate américain Christopher Ross comme son envoyé spécial personnel pour le Sahara.

Juin 2009 : élections locales au Maroc étendues aux territoires du sahara occindetal. Le Polisario dénonce cette «provocation grave».

Août 2009 : réunion informelle entre les représentants du front Polisario et du Maroc en attendant une reprise rapide des négociations.

Chronologie réalisée par Amine Esseghir


(1) – Selon le document de la Cour internationale de justice de la Haye, Western Sahara : Advisory Opinion of 16 October 1975, le tribunal a reconnu que, dans le cas du Sahara, des liens historiques existaient entre le Maroc et les tribus de la région, mais ceux-ci ne prévalent pas sur le principe du droit à l’autodétermination. Par ailleurs, un grand expert de la région, George Joffé, actuel directeur d’études de l’Institut royal des affaires internationales de Londres, écrivait : «La Cour a pris soin d’expliquer qu’elle admettait que de tels liens (historiques) existaient avec certaines, mais pas l’ensemble, des tribus du Sahara occidental (...). Cependant, la Cour était sceptique quant à la revendication marocaine puisque les tribus concernées étaient nomades, éparpillées et non circonscrites à l’intérieur de frontières précises – circonstances que de précédentes décisions de la Cour avaient jugées inadaptées à une souveraineté territoriale.

(2) - Selon l’historien Tony Hodges, cette perspective serait à l’origine de la naissance du sentiment national sahraoui alors que les péripéties de la guerre de libération du Maroc avaient surtout mis en évidence la propension des Sahraouis à se mettre consciemment sous la souveraineté du roi du Maroc.

(3) - Jusqu’au milieu du XXe siècle, les Espagnols maintiennent une faible autorité sur ces territoires. La colonisation militaire a abandonné à plusieurs reprises ses fortifications.

Sources principales

Ibn Khaldoun : Histoire des Berbères Traduction de De Slane - Geuthner (Paris 1982)

Tony Hodges : Western Sahara. The Roots of a Desert War -Lawrence Hill (Wesport 1983)

Tony Hodges : The Western Sahara, Minority Rights Group (Londres 1991)

Tony Hodges : The Origins of Saharawi Nationalism

Richard Lawles et Laila Monahan : War and Refugees

The Western Sahara Conflict - Pinter (Londres 1987)

Stephen Zunes : Western Sahara. Peace derailed - Current History (1996)

Mariano Aguirre : Dossier sur la fin du conflit au Sahara occidental, in Le Monde diplomatique (Paris, novembre 1997)

Les résolutions de l’ONU concernant le Sahara occidental sont disponibles sur le site Internet www.arso.org

Articles de la presse algérienne, marocaine, espagnole, française et américaine.


In hebdomadaire Les Débats semaine du 19 au 25 août 2009


mardi 18 août 2009

Autres images de l'Irak

Ces images ont été prises en Irak en octobre 2002 lors d'un reportage réalisé en attendant la guerre. En fait, on était un peu en avance.
Salle assyrienne du Musée de Baghdad en octobre 2002, celui qui a été pillé au moment de l'invasion américaine.
Les Egyptiens écrivent, les Libanais publient et les Irakiens... lisent. Rue Al Moutannabi dans un vieux quartier de Baghdad (Al Arasat al Hindiya). La foule d'un marché au puce pour acheter des livres proposés à même le sol.
"Sur ordre de monsieur le président, le chef et le combattant Saddam Husseïn Dieu le protége et le préserve, le ministère des waqfs et des affaires religieuses, en charge des travaux et service de la municipalité dans le Gouvernorat de Kerbala, réalise le projet d'entretien des égouts du Gouvernorat. "
Place Al Firdaous près de l'hôtel Palestine alors que la statue de Saddam était encore debout.
Objets du culte chiites sur un marché de Kerbala.

Des jeunes de la Casbah font revivre l'art ancien de Bendebbagh

Des jeunes artisans de La Casbah

Les derniers élèves de Bendebbagh

Ils ne sont pas diplômés des beaux-arts, ils ont juste apprécié et profité d’avoir été les voisins de Mostepha Bendebbagh. Dans les derniers moments de sa vie, l’artiste recevait simplement ces jeunes qu’il initiait à l’art sans autre forme de pédagogie que celle de l’admiration du disciple devant le maître. S’ils imitent aujourd’hui le maître et gardent précieusement ses r’cham, ils apprécient aussi la valeur de ce qui leur a été transmis. Modestes mais convaincus, ils veulent à leur tour redonner vie à un art ancestral.

Les trois jeunes artisans de gauche à droite : Farid Samaallah, Zakaria Daoud et Hamza Daoud.

Au détour d’une ruelle, à l’extrémité du reste d’un sabbat (passage couvert), au 6, de la rue Abdelkader-Madjer (cette rue est toujours connue sous le nom de Zenqat Sidi Ramdan et s’appelait rue Marmol à l’époque coloniale) l’échoppe surprend le passant.

Effectivement, on ne s’attend pas à voir des cadres de miroirs en bois peint et coffrets à l’ancienne accrochés à une porte, dans ce dédale qui n’est en fait qu’un passage pour ceux qui visitent la Haute-Casbah et se rendent forcément à la plus vieille mosquée d’Alger, Sidi Ramdan. Au moment où une partie de La Casbah se débarrasse de son image de ruine de grande valeur, que les rues sont nettoyées, que les anciennes bâtisses insalubres sont débarrassées, que les chemins deviennent accueillants, cette boutique qu’aucun programme de réhabilitation n’avait prévu surgit comme un miracle. Les jeunes ont-ils choisi sciemment ce lieu très fréquenté en principe par des touristes incertains ? Assurément non, ils ont loué en 2006, pour un prix symbolique, ce magasin sans fenêtres de moins de 12 m2 où il est difficile d’imaginer ouvrir autre chose qu’une telle échoppe. C’est le plus dégourdi des trois, Farid Samaallah, qui y a mis ses économies : “Après avoir travaillé à la décoration du salon d’honneur de la nouvelle aérogare d’Alger, l’argent que j’ai gagné m’a permis d’investir dans ce lieu.” Avec ses deux complices, associés et amis, ils ont donné un nouveau visage à cette portion de quartier et ont ressuscité une image que l’on croyait à jamais disparue, celle des échoppes des artisans de La Casbah. Au fait, sont-ils des artisans ou des artistes ? La question les fait rire et leur donne de la rougeur aux joues. Ils ne le savent pas et pour le moment, ils ne savent qu’une seule chose : investir du temps et des efforts pour réaliser ces objets d’une variété incroyable et aux couleurs les plus inattendues.

Mais qu’on ne s’y trompe pas, ce genre de décoration de meubles et même de céramiques n’a effectivement rien de nouveau. C’est probablement la forme de décoration la plus ancienne que l’on connaisse à Alger. Il est rare d’ailleurs de ne pas trouver dans une famille algéroise un coffret à bijoux, un miroir – ou plus important encore, une skampla ou un landau décorés – datant du XIXe ou du début du XXe siècle. Ce sont effectivement des objets usuels qui étaient décorés de la sorte et donnaient du travail à un nombre incalculable d’artisans. L’industrie, la modernité et la perte des valeurs a failli achever cette expression artistique, naïve, première, mais néanmoins reconnue et appréciée par ceux à qui elle s’adressait. Probablement que le plus grand mérite de Mostepha Bendebbagh, au-delà d’avoir laissé des œuvres authentiquement artistiques, aura été de perpétuer durant de longues années cet art et le transmettre intégralement à des jeunes qui n’en demandaient pas tant. Certes, Bendebbagh a eu des élèves aux noms prestigieux aujourd’hui dans le monde de l’art tels Zakaria Morsli ou Ali Kerbouche. Mais ses autres élèves inconnus, qui ne fréquentent pas les galeries d’art et ont pris des mains du maître l’art comme on prend un cadeau, ont l’honneur de restituer ce que l’art ne restitue pas : la naïveté de l’accès au beau sans autre message à adresser que cette émotion face à ce qui séduit le regard. Ce lieu inattendu, cette caverne d’Ali Baba aurait pu ne jamais exister sans cette intention initiale de ces trois jeunes.

Pour l’amour de l’art

Il faut dire que Zakaria et Hamza Daoud, deux frères, sont un peu comme Obélix : ils sont tombés dans l’art quand ils étaient tous jeunes. Naturellement doués pour le dessin, ils ont la chance d’avoir pour oncle Mohamed Daoud, enlumineur, décorateur et peintre à ses heures mais également élève de Mostepha Bendebbagh, sans oublier bien sûr que la maison familiale ne manque pas non plus d’œuvres de l’artiste, l’ami et le voisin depuis des lustres.

Bendebbagh avait repéré Hamza, le plus jeune, qui lui rendait souvent visite. Il est vrai que ce jeune à peine sorti de l’adolescence étonne par sa dextérité. C’est lui qui introduit Farid Samaallah auprès du maître. Farid est aussi un autodidacte, il a fait quelque temps de la caricature mais il ne trouve aujourd’hui d’accomplissement que dans ce qu’il fait tous les jours. Il a déjà participé à des expositions, mais qui ont été pour lui plus des alibis pour les organisateurs que de véritables moyens de promotion de l’artisanat. “Je dois dire que ce sont les étrangers qui nous encouragent”, avoue-t-il à contrecœur. Effectivement, des délégations officielles, notamment des ambassadeurs en visite à La Casbah, ont permis à Farid de montrer ce qu’il sait faire et de gagner un peu d’argent et de la notoriété. Des âmes charitables ont organisé des garden-parties chez elles pour permettre à l’artiste d’exposer et de vendre ses œuvres.

Certes, de nombreuses commandes arrivent aujourd’hui à l’échoppe. Les trois compères mettent en dépôt-vente leurs produits à l’aéroport d’Alger notamment, mais se heurtent à des difficultés kafkaïennes : “On a du mal à trouver un menuisier qui accepte de nous découper le bois, les feuilles en multiplié, selon nos désir. Ils trouvent que c’est un petit travail qui ne rapporte pas. Pourtant, sans cela on ne peut pas fabriquer nos objets.” Ils ont effectivement pensé à acheter une scie sauteuse pour faire les petites découpes eux-mêmes, mais le plus compliqué reste de découper en petites planches les grandes feuilles de bois.

Ils ont aussi du mal à trouver des objets en céramique crue, ou alors elle est de mauvaise qualité alors qu’ils s’enorgueillissent de travailler sur tous les supports. Mieux, ils s’imaginent investir un art majeur en Algérie, la miniature, qu’ils mettent à la disposition de la décoration des objets qu’ils fabriquent. Une innovation certes, mais ils s’exercent afin d’avoir encore plus de maîtrise.

Ces jeunes de leur temps, qui ont vécu de petits boulots, qui ont eu, comme Farid, des moments difficiles en tenant une table de cigarettes, qui n’ont pas eu la chance de poursuivre de longues études, sont d’un extraordinaire réalisme. Ils sont aussi comme tous les jeunes de leur génération, un petit peu aigris et désabusés tout en croyant en un avenir meilleur. Ils supposent que ce qu’ils font est suffisamment important pour intéresser des connaisseurs, même si dans les hautes instances de la culture en Algérie ont considéré que leurs objets étaient tout simplement trop coûteux. Dans le même temps, ils sont peu nombreux à voir pourtant que la démarche de ces trois jeunes a une valeur inestimable.

Amine Esseghir

Mostepha Bendebbagh

Mostepha Bendebbagh est né le 5 septembre 1905 et décédé le 22 janvier 2006 à son domicile, une douéra, ancienne maison algéroise de la Haute-Casbah sise rue Mohamed Azzouzi (Bir Soustara avant la colonisation, rue des Maughrébins en 1830). Enlumineur, mais aussi maître dans les arts appliqués, il a marqué de son sceau l’enluminure algérienne. Ses thèmes de prédilection son les bouquets de fleurs, les paons traînant au milieu d’un décor floral luxuriant, toujours empreints de cette ambiance particulière marquée par une décoration abondante (faites d’éléments floraux, de calligraphies, de formes géométriques et zoomorphiques) et des couleurs chatoyantes. Bendebbagh a aussi restitué et certainement immortalisé des éléments constitutifs de l’imaginaire de sa société. Les fleurs renvoient à l’image des jardins du paradis. Elles déterminent aussi une valeur esthétique, elles définissent ce qui est beau et renvoient à l’amour, au parfum, au printemps, au goût de la vie. L’oiseau a toujours été vu comme le porteur d’un message, il reflète l’idée du messager divin annonçant d’heureux présages. Le poisson, que l’on retrouve souvent, symbolise l’espoir et la survie. Il illustre la légende qui dit que les paysans ont quitté les terres pour aller pêcher des poissons alors que la sécheresse les avait empêchés de cultiver leurs terres.

Les couleurs ont aussi un usage symbolique. Le bleu, c’est ciel d’où tombe la pluie source de vie. Le jaune renvoie au soleil, source de chaleur nécessaire pour le bien-être. Le noir illustre la nuit, synonyme de repos après l’effort. Quant au blanc, il est toujours l’équivalent de la propreté du corps et de l’esprit.

Mostepha Bendebbagh, nommé doyen de l’Ecole supérieure des beaux-arts d’Alger en 1982, a exposé ses œuvres pour la première fois à Marseille en 1922. Il a participé à l’exposition internationale à Newcastle, en Grande-Bretagne, en 1929. Il a pris part à l’exposition internationale de Chicago aux Etats-Unis en 1933. Donnant, à l’image des frères Racim ou de Baya, avant même l’Indépendance, un retentissement international à un art d’inspiration authentiquement algérienne.

A. E.


Extraits du livre d’or

Le livre d’or de la boutique des trois jeunes indique en tous les cas que La Casbah continue de recevoir son lots d’admirateurs – peut être pas en nombre comme cela est souhaité par ses habitants – qui bravent les dangers supposés ou réels et sont tout simplement sous le charme de la petite boutique de Sidi Ramdan. On trouve ainsi, au côté de l’arabe, du français ou de l’anglais, des idéogrammes japonais pour exprimer dans toutes les langues la joie de se retrouver nez à nez avec cette incertaine machine à remonter le temps qu’est l’échoppe des trois artisans.

La boutique est aussi devenue la halte des officiels en visite à La Casbah tant elle représente un bastion de résistance pour maintenir vivant l’artisanat ancien condamné apparemment à la disparition. Quelques extraits pour s’en convaincre.

A real Treasure in the middle of the Casbah.” Signature illisible, 30-08-2006.

Une rencontre inattendue mais formidable. Votre travail est merveilleux et unique.” Nicolas, Paris, septembre 2006.

J’espère que vous aurez toute la chance et le succès que vous méritez bon courage.” Florence, Paris, France, 11-09-2006

What a very talented artist !” Laurette, South Africa, 13-09-2006

Was much impressed by Algiers the Casbah and this art shop so typifies the art of the city and the culture.” Logu, USA, 15-09-2006

Complimenti si Giovanni artisti delle Casbah.” Signature illisible, 06-11-2006

Nice to see you maintaining the old arts. Good luck.” Ambassadeur du Pérou, 06-12-2006

Félicitations pour le travail.” Bibiano Jones, ambassadeur d’Argentine, 27-02-2007

Bravo pour ces peintures raffinée et délicates.” Gaëtan Guignard, 28-04-2007

En apoyo a los artesanos de… Argelia y condeses de que su arte y cultura sea un apoyo para toda la gente de la pais en el cual se refleja su arte.” Pilar Macho, Espagne, 06-05-2007

It’s a pleasure to support the continued efforts and life of such an artist. Thank you.” Julia Brennan, Washington DC, 21-06-2007

Thank you for your hospitality, I’m most impressed with your art.” Zeina, London, 03-07-2007

In hebdomadaire Les Débats semaine du 25 au 31 juillet 2007


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