lundi 22 août 2011

Les causes d'insomnies sont nombreuses


La sécurité dans la région sahélo-saharienne
Le casse-tête des armes libyennes


La crise Libyenne s’enlise et ce qui s’apparentait à une révolution instantanée à la Tunisienne ou à l’Egyptienne s’est éloigné laissant la place à un conflit interne Libyen qui est en train de se dérouler devant une communauté internationale impuissante. On peut disgresser à ce sujet sur les effets de l’intervention occidentale en Libye quand la durée du conflit est devenue un nouveau casse-tête dans une région qui n’en manque pas.




C’est une évidence, aucun pouvoir actuel en Libye, les insurgés et le CNT ou les forces loyales à Kadhafi, ne peut garantir un contrôle du territoire qu’il est sensé dirigé. Une situation chaotique qui favorise la circulation des armes et des explosifs dans une zone qu’il est difficile de gérer même en temps de paix. Cette zone, c’est en fait la fameuse bande sahèlo-saharienne, une région désertique de près de 8 millions de kilomètres carrés, surveillée comme le lait sur le feu depuis des années. Une région que certaines puissances rêvent de contrôler en installant des bases militaires comme au bon vieux temps des colonies et des protectorats. Les informations relayées par divers médias, notamment africains, indiquent que des groupes terroristes ont - ou auraient - réussi à transporter de très importantes quantités d'armes, notamment dans le désert de Ténéré, au Mali et au Niger essentiellement. Certes, cette possibilité était tout de suite prise en compte par les responsables des pays de cette région. Connaissant les risques et les reliefs, les liens familiaux et commerciaux qui existent dans cette région, il ne faisait aucun doute que l’aubaine ainsi offerte ne serait dédaignée ni par des groupes terroristes ni par de quelconques trafiquants d’armes.
La sécurisation de la frontière avec la Libye est un indicateur certain. Mais quand on annonce que des soldats nigériens ont intercepté des terroristes d'Al Qaïda transportant de grandes quantités d'armes à proximité de la frontière algérienne, ce qui était une éventualité devient une évidence. On parle de lance-grenades antichar RPG-7, de Kalachnikov, de Semtex et d’autre joyeusetés du genre. On évoque même des missiles SA-7 tombés entre les mains d’Al Qaïda, des joujoux anti-aérien, à l’image des Stinger américains, d’une redoutable efficacité.
PROBLÉMATIQUES DIVERSES
Il faut dire que les problématiques liées à la lutte antiterroriste dans la région sahélo-saharienne sont multiformes. Au-delà des questions purement militaires ou opérationnelles, la zone est devenue une région de commerce des otages. Al Qaïda a érigé cette pratique en règle permettant de se financer et de favoriser le recrutement dans une région où les difficultés économiques et l’absence d’espoir font de toute activité une aubaine à saisir. Un des moyens de lutte est le refus de payer des rançons aux ravisseurs. Ce grand principe a été souvent bafoué par les puissances occidentales.
Par ailleurs, la coopération africaine doit aussi se poursuivre en dépassant les difficultés conjoncturelles. Le Mali, considéré comme le moins dynamique des pays en termes de lutte antiterroriste en favorisant les échanges de terroristes emprisonnés contre des otages occidentaux, est revenu dans le cercle. L’urgence étant ce qu’elle est, toutes les volontés sont bonnes à prendre.
Mais la situation actuelle pose aussi la question des suites à donner à la lutte antiterroriste. Jusque-là, avec l’Algérie en tête, le plus important était de gérer la situation dans la région avec les forces des pays de la région. Eloigner le risque de voir des forces étrangères venir installer des bases militaires, avec les Etats Unis en tête cette fois-ci. S’il n’en a rien été - la base américaine US en Afrique ressemblant à l’arlésienne - cela est dû en grande partie à la coopération entre les forces des ces pays. La volonté supposée ou réelle des Américains à vouloir contrôler le Sahara au nom de la préservation de la sécurité a été clairement mise en évidence depuis 2005 au moins. En mars 2006, lors d’une réunion à Alger autour de la sécurité dans la région sahélo-saharienne, les Américains semblaient dire que les bonnes relations et la coopération avec les États-Unis d’Amérique avec les pays d’Afrique passaient par l’ouverture des territoires nationaux des pays de la région aux forces US. Ce que refusaient de voir les Américains, c’est qu’une coopération militaire fondée sur cette compréhension de la région et de ses particularités était certainement plus utile et plus efficace que n’importe quelle armada étrangère déployée à grands frais.
FAUTE DE GRIVES
Faute d’une base américaine donc et préoccupée par la présence de groupes terroristes dans la région, les USA ont lancé en mai 2010, l’Africom, le commandement du Pentagone pour l’Afrique, a mené l’exercice Flintlock. Un exercice qui regroupait 300 soldats américains et 1.200 éléments des forces de sécurité du Mali, du Nigeria, du Sénégal et de Mauritanie et dirigé depuis le Burkina Faso où a été installé le Centre de coordination multinational. Il reste que ce genre d’exercice existe dans la région depuis 2005 et inclus dans les scénarios qu’il met en pratique les risques de rébellion et de déstabilisation locale. Est-ce que ce genre d’exercice possède les mécanismes suffisants pour faire face à une déstabilisation du genre de celle qui se déroule en Libye ? On n’en sait rien et personne n’évoque actuellement la question. Est-ce que les risques deviennent effectivement plus grands et les possibilités de déstabiliser la région plus évidentes et que l’on évite de venir mettre de l’huile occidentale sur le feu ? Ou bien, veut-on laisser les Africains particulièrement allergiques aux questions d’ingérence se dépatouiller seuls face à la menace d’une Qaïda surarmée et dans ce deuxième cas, s’ils ne s’en sortent pas, ce sont eux-mêmes qui appelleront à l’aide ?
Un début de réponse africaine existe déjà, même si la donne libyenne vient ajouter de la complexité à la mission et aux prérogatives. En face des exercices Flintlock, les autorités nationales de la bande sahélo-saharienne ont créé en mars 2010 le «plan Tamanrasset». Celui-ci inclus, nouveauté audacieuse pour des pays du tiers monde, la création d’un comité d’état-major opérationnel conjoint alors que le domaine de la sécurité est un domaine où il est difficile en général de mettre ses billes ensemble. Car c’est bien cette incapacité supposée des pays du Sud à coopérer dans un domaine aussi sensible que celui de la sécurité qui est souvent mis en évidence, certes en filigrane dans les discours officiels, mais c’est cela qui permet aux puissances étrangères de dicter leurs manières de voir, à coups d’exercices d’interopérabilité, de mission aux allures quasi humanitaires et de coopération dégoulinant de bons sentiments.

In Horizons

Effet collatéral


Israël et les états arabes post-révolutionnaires
La peur pour justifier l’agression

Les analyses foisonnantes sur le printemps ou les révolutions arabes ont éludé grandement un aspect essentiel de ces révoltes : la suite des relations entre les pays arabes et Israël.



Même si leur légitimité a été remise ou est toujours remise en question, la majorité des régimes arabes ont toujours su être en phase avec leurs opinions concernant la question de la Palestine. Certes plus par les slogans et les discours que par les actes, mais on ne peut que constater que sur cette problématique, régimes et peuples étaient sur la même longueur d’onde. De toute évidence donc, les pouvoirs post-révolutionnaires qui vont émerger dans pratiquement l’ensemble des pays arabes - et qui bénéficieront en principe des gages de démocratie et de respect de la volonté des peuples - auront aussi à présenter un discours concernant le futur de leurs relations diplomatiques. Un discours et une démarche qui intègrent forcément la donne palestinienne. La donne palestinienne signifiant aussi la donne israélienne et le futur des relations entre les Etats arabes et l’Etat d’Israël.
Cela ne semble pas évident immédiatement, d’autant que la rue arabe, plus préoccupée par ses urgences politiques et sociales depuis janvier, a consacré peu de temps et d’efforts à la cause de tous les Arabes, la Palestine. Peu de temps ne signifiant guère dans ce contexte pas de temps du tout. On en veut pour preuve la commémoration de la Nakba, le jour du grand malheur où les Palestiniens ont vu leurs terres spoliées et connu la déportation et l'exode, il y a 63 ans de cela. Cet événement dans l’histoire de l’humanité est à inscrire sans nul doute au registre des pires dénis de justice que le monde ait connus. Effet troublant, les commémorations de cette date qui sont marquées par des morts et des blessés. Cette année, douze Palestiniens ont été tués dans le plateau du Golan et à la frontière libanaise. Les affrontements ont eu lieu à la périphérie des territoires palestiniens, au Liban et dans le Golan syrien occupé, lors de manifestations durement réprimées par l'armée israélienne qui n'a pas hésité à ouvrir le feu sur des civils. L’armée israélienne a eu beau jeu de dire, pour se disculper, que le pouvoir syrien a «organisé cette manifestation violente pour tenter de détourner l'opinion mondiale de ce qui se passe dans ses villes». Pourtant, même quand cela va très mal en Syrie, les injustices israéliennes n’ont pas été oubliées et de toute évidence; elles le seront encore plus quand le régime d’Al Assad sera remplacé. En Egypte, où la révolution a déjà eu lieu, on a compté au moins 353 personnes blessées, dont 45 hospitalisées, le même jour devant l'ambassade d'Israël au Caire lors d'une manifestation marquant la Nakba. La police a usé de gaz lacrymogènes pour repousser la foule qui tentait de franchir une barricade érigée devant la mission diplomatique israélienne. Plus que jamais donc, la rue arabe sait et intègre le sens de la révolte. Une fois débarrassée des despotes locaux, elle pointera le doigt sur les injustices qui la concernent.
Mais il ne fait aucun doute que l’on comptera encore des morts avant que l'on reconnaisse aux Palestiniens le droit d'être ce qu'ils sont sur leurs terres et avant qu'on leur rende au moins justice pour tous les arbitraires qu'ils ont subis.

LA RÉPONSE EN ISRAËL ?
Si nous avons du mal à voir encore les contours de l’avenir des relations entre pays arabes et Israël, nous pouvons quand même avoir une esquisse de la réponse dans l’inquiétude d’Israël. Israël n’a pas applaudi les révolutions arabes. Elle n’a pas fait montre de l’enthousiasme que nous avions pu lire et voir en Occident. Ces révolutions ou ce printemps font peur parce que l’on sait quelle est l’opinion de la rue. Cette même rue qui a été interdite d’expression en dehors de cadres organisés. Effectivement, jusque-là, Israël avait beau jeu de dire qu’elle était la seule démocratie réelle au milieu d’un champ de dictatures. Pourtant, ce sont ces mêmes dictatures ou régimes autoritaires qui ont joué la carte de sa sécurité en échange de reconnaissance et de respect en Occident, voire d’aide économique comme c’est le cas de l’Egypte. Mais il sera difficile d’imposer la politique internationale de ces Etats quand ceux-ci auront gagné en respect par le seul fait d’être plus authentiquement représentatifs de leurs peuples et plus démocratiques. Quels seront les arguments des Israéliens alors ? Agiter le spectre de la menace nucléaire iranienne pour «jeter le ballon au loin» et détourner l’attention ? Signer au plus tôt un accord de paix avec la Syrie ?
Dans une interview du Premier ministre israélien accordée à l’AFP en avril, il déclarait : «Le printemps arabe pourrait virer en un hiver iranien». Pour les Israéliens donc, les aspirations démocratiques des peuples arabes et la déstabilisation des régimes en place risquent de faire le jeu de l'Iran et des islamistes, notamment en Egypte. Voilà qui est simple, voilà qui est dit. Les Iraniens ont tôt fait de voir les effets immédiats de ces inquiétudes. Des actions de sabotages et des manœuvres pour monter en épingle les divisions qui existent au sein de la classe politique iranienne. C’est Oded Eran, directeur de l'Institut pour les études de sécurité nationale de Tel Aviv, qui le disait dans une interview publiée en février de cette année.
Quant à la Syrie, Eyal Zisser, un doyen de l'université de Tel-Aviv et spécialiste de la Syrie, indiquait que «rien ne dit que ce qui pourrait venir après le président Bachar El Assad ne serait pas encore pire, sous la forme d'al Qaïda ou d'une situation anarchique comme en Irak».
En Egypte, la seule déclaration de Nabil Al Arabi, alors ministre des Affaires étrangères du gouvernement de transition, sur le prix du gaz égyptien vendu à Israël ou la question du blocus de la bande de Ghaza ont donné lieu à l’expression publique de la préoccupation du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu.
Dans un contexte aussi menaçant, quelle autre manœuvre reste à Israël que de préparer son armada pour une guerre sur plusieurs fronts ? Une guerre justifiée par la somme de toutes ses peurs. Israël fondé sur une immense injustice peut-il finalement faire autrement que justifier son existence par une immense menace ? Il continuera alors de parler de paix tout en faisant la guerre.

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