L’Algérie république des zaouïas et des tribus
Baya Gacemi brosse d’abord le tableau des réseaux et détermine également leur nature, les zaouïas, les tribus, les associations, la famille révolutionnaire, le Malg et les services secrets (elle aurait pu aussi citer les comités de supporters et les syndicats autonomes…), avant de donner la parole à l’historien Daho Djerbal, à l’avocat Nacer Eddine Lazzar et au sociologue Tahar Houcine.
Pour elle, la renaissance des zaouïas qui ont soutenu fortement le président Bouteflika n’est due qu’à «l'œuvre des différents pouvoirs qui se sont succédés depuis 1989».
Dans la même veine, elle précise que les hommes politiques en Algérie attachent à faire valoir leurs tribus ou les tribus qui les soutiennent et le président Bouteflika «qui ne se réclame d'aucune attache tribale a ressenti, en 1999 et en 2004, le besoin de s'adosser à un fief. Il s'est alors tourné vers les zaouïas, dont il savait qu'elles étaient très fortement liées aux tribus, sans toutefois commettre l'erreur d'en favoriser une plus que d'autres».
Quant aux tribus, leur influence, même du temps du parti unique, a également joué dans les découpages administratifs.
La société civile qui n’existe pas autrement aux yeux de Baya Gacemi, lorsqu’elle est visible dans des regroupements comme les comités de quartiers, ce sont «les yeux et les oreilles des autorités», selon une étude faite en 2000 (elle ne cite pas ses sources à ce propos). Quant aux associations, elles naissent «avec, à leur tête, des gens habituellement éloignés de la vie associative, mais très motivés par les bénéfices qu'ils peuvent tirer de la sollicitude du pouvoir à leur égard».
Pour elle, le comité national pour le soutien au programme de Bouteflika, regroupement d’associations diverses, n’a été mis en place par ses membres que «dans l'espoir d'un renvoi d'ascenseur à l'occasion des prochaines élections législatives (…) afin qu'un certain nombre des leurs soient en position éligible sur les listes…»
Concernant la famille révolutionnaire, Baya Gacemi cite l’historien Mohammed Harbi. A propos de l'organisation des moudjahidine, pour lui cette organisation «n'existe que par rapport à l'Etat, pas par sa capacité à mobiliser. Auparavant, elle dépendait du FLN, lequel n'était lui-même qu'un paravent étatique. Nous sommes en train d'assister à une décompression autoritaire».
Pour les services secrets, Baya Gacemi rappelle la puissante et redoutée sécurité militaire et elle rapporte les propos d’un officier à la retraite qui soutient que la réputation des services secrets est surfaite. «Le président Bouteflika joue beaucoup sur les divisions entre le DRS et l'état-major. Il veut démilitariser le système politique, donc «civiliser» les services. Or cette démilitarisation est conforme aux souhaits de la nouvelle garde de l'armée. Le DRS se sentait fort de sa connexion avec elle. S'il perd ce lien, il perd toute sa force», indique cet officier sous le couvert de l’anonymat.
Pour l’historien Daho Djerbal, l’Etat «préfère les relais clientélistes à une société civile libérée, qui serait le moteur du développement ». Pour les associations qui manifestent une volonté d'indépendance, Djerbal indique qu’on leur fabrique des problèmes internes : «Ou bien on essaie de les corrompre, ou encore on les noie au milieu d'une multitude d'autres associations qui ont le même objet, tout cela laissant une impression de liberté de façade.»
Pour cet historien «les nouveaux mouvements culturels et identitaires s'expriment tous par l'émeute», celle-ci étant une forme de modernisation de la société, «car elle prouve que, même réprimée, elle garde tous son ressort».
Pour l’avocat Nacer Eddine Lazzar, les réseaux d’affaires sont plus puissants que les tribus, zaouïas et associations. Il indique que «l'interdiction d'importer des alcools (adoptée par la loi de finances 2004) a été décidée pour plaire aux lobbys des producteurs d'alcool algériens, lesquels ont des soutiens à la Banque d'Algérie». Il évoque aussi le rachat des créances douteuses d’entreprises privées qui ont profité de la manne des crédits accordés par les banques publiques sans avoir à les rembourser, mais sans citer d’exemples précis. «Maintenant, on parle d'amnistie générale. Eh bien, l'amnistie va inclure ces gens. Sauf que cette amnistie générale, c'est une hérésie, car elle met de côté le droit pénal», conclu Lazzar.
Pour le sociologue Tahar Houcine «les tribus constituent des réseaux dormants que l'on peut ranimer à n'importe quel moment. C'est ce qui explique que, lors de chaque échéance électorale, les candidats, quelle que soit leur idéologie, se tournent vers leur tribu d'origine». Par ailleurs, il indique que l’implantation de cités universitaires et des aéroports dans les régions éloignées favoriseraient les déplacements et l’instruction, ce qui casserait cette influence des tribus et permettrait une plus grande démocratisation.
A propos de la censure, le chef du gouvernement Ahmed Ouyahia avait, dans une conférence de presse sur le bilan du gouvernement, indiqué que l’Algérie n’avait pas de systèmes de censure alors qu’on lui avait cité des cas d’interdiction d’entrée de certaines publications étrangères répétées ces derniers temps.
Synthèse de Amine Esseghir
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